Le joli mois de Mai est revenu, et avec lui, la période des naissances !
C’est avec une grande fierté que nous souhaitons la bienvenue à
- Athéna, agnelle de Ouessant
- Abracadabra, agneau de Ouessant
- Aristote et son frangin Antidote, chevreaux des fossés
- 5 oisons (pas encore nommés) normands huppés. Sous haute protection des 3 parents (bah oui, ici on a un trouple.)
- 8 poussins.
Voilà nos bonnes nouvelles du moment.
Je n’oublie pas non plus les moins bonnes, avec la naissance compliquée d’Arcturus, agneau Ouessant, qui malheureusement n’a pas survécu. Alors oui, il aurait été facile de taire cet épisode difficile pour garder le côté mignon du moment, mais par respect pour lui et pour sa mère Miss Minousheep qui a fourni un courage hors du commun, je me dois de lui donner un nom et donc une existence parmi nous, si court eut été son passage. J’en profite pour remercier sincèrement Olivier, vétérinaire de garde ce dimanche soir, d’être intervenu avec calme, rapidité et professionnalisme.
Pensée à Noiraude, la poule qui couvait, morte le jour d’éclosion des petits.
Les naissances, ce n’est pas que de se réjouir.
Ni de bébétiser les « p’tits trop mignons. »
Il y a un travail de préparation des évènements, l’attention du grand moment et le suivi.
« L’avant » avec la mise en place d’endroits douillets.
Souvent, je prépare un endroit bien paillé, confortable où on a envie de s’allonger là et de ne plus bouger, mais la mère se trouve le pire endroit pour mettre au monde ses petits !
C’est une période d’observations (surveiller que la mamelle se développe bien pour une promesse d’allaitement suffisante, état physique et mental de la mère, est-ce que le bassin se relâche, est-elle avec les autres ou s’isole-t-elle…) L’idée est de prévoir l’arrivée des petits au plus juste afin de se rendre dispo « au cas où ». Lorsque je ne suis pas sur place, ça peut-être 3 visites quotidiennes lors des derniers jours.
Je me rappelle ma première chèvre Baccara, qui attendait toujours que je sois présente. Je me devais de rester tout le temps de la mise bas jusqu’à ce que les petits marchent et prennent leur première tétée.
Et d’autres qui profitent de les faire naître entre deux de mes passages.
Il y a aussi la gestion des autres membres du clan. Et ce n’est pas une mince affaire que de savoir où mettre les uns et les autres pour assurer la tranquillité de la mère lors du travail puis la sécurité de tout ce petit monde sans pour autant laisser une impression de mise à l’écart.
Le moment de l’arrivée est un instant magique entre deux mondes. Un moment sacré.
Personnellement je ne suis pas interventionniste. Ce qui veut dire que je laisse la mère faire. Je reste présente, mais un peu à l’écart, je me trouve une occupation à côté, et je n’interviens que s’il y a besoin.
Souvent, les mères savent s’il y a un problème et me donnent des signes d’inquiétude ou appellent à l’aide. A moi de savoir entendre et prendre les décisions qui me paraissent les plus judicieuses.
Si tout est normal, alors je préfère laisser faire les choses. Les mères n’ont pas forcément besoin que l’humain fasse. Seulement de leur soutien par leur présence.
Lorsque je suis présente, je trouve une ambiance particulière au moment. Il y a le temps « normal » dans lequel évoluent celles et ceux qui ne sont pas au contact direct de la bulle formée autour de la mère. En revanche, dès que j’approche ou rentre dans cette bulle, je me sens comme dans un lieu sacré que je me dois de respecter. J’apprends à laisser mes pensées d’humaines avec mes jugements en veilleuse pour m’accorder au moment présent.
Je ne prends jamais de photo lors de l’évènement ou des petits à peine sortis. Je trouve cela irrespectueux et intrusif. Que diraient les femmes si l’on faisait la même chose en salle d’accouchement et qu’on diffusait les clichés en public ensuite sans leur accord ?
Une fois le ou les petits nés, je continue mon observation. Je laisse la mère commencer à les lécher pour établir le lien. Parfois les primipares (celles qui font leur première mise bas) sont un peu perdues et ne savent plus où donner de la tête.
En quelques minutes, les nouveau-nés essaient de se lever. C’est à ce moment-là que je profite pour transporter toute la famille dans l’endroit prévu pour elle si elle n’y était pas. C’est tout un art de transporter les petits sans les traumatiser et que la mère suive, car dès qu’ils sont dans mes mains au-dessus du sol, elle les croit disparut. Je peux comprendre qu’elles ne soient pas « formatée » pour imaginer que les justes nés aient le pouvoir de quitter le plancher des vaches !
Une fois debout dans un équilibre précaire, leur instinct les conduit à aller téter. C’est à ce moment qu’il est important de veiller à ce que tout ce passe bien. Il faut que les petits aient très rapidement accès au colostrum pour leur santé et faire leur immunité à vie. Donc je veille, je guide au besoin. Et autant vous dire que ce n’est pas une mince affaire pour certains.
Un passage où je prends toutes les précautions pour ne pas recevoir un coup de corne malvenu de la mère encore chamboulée par toutes ses hormones. (histoire vécue)
Une fois sûre que les petits aient bu et la mère expulsée sa délivrance, c’est gagné ! Le repos peut advenir pour tout le monde.
Les premiers jours, je reste vigilante.
Je surveille la santé de chacun, le séchage sans infection de cordon ombilical, que tout le monde tête bien, les problèmes de mammites ou œdème de la mère, qu’elles nettoient bien le derrière des petits (sinon c’est à moi de leur nettoyer !) et surtout les premiers apprentissages du risque !
C’est dans ces premiers jours que le caractère de chacun chacune se découvre. Entre les calmes philosophes tels qu’Aristote, les spécialistes de la course comme Athéna qui faisait tourner en bourrique sa mère ou le malicieux Abracadabra qui passait son temps à disparaître, on ne s’ennuie pas à porter main-forte aux mères fatiguées et paniquées.
C’est très rare que je trouve les noms avant la naissance.
Je fais une liste pour l’année avec les prénoms à la lettre (cette année, c’est la lettre A comme vous l’aurez constaté) et en fonction du caractère de chacun chacune, je trouve celui qui convient le mieux sans oublier de demander l’avis du petit.
Avec les années, j’avais constaté qu’ils avaient le caractère de leurs prénoms. J’ai connu une ponette « Rebelle » digne de son nom, des béliers chevaliers de la Table ronde, des dieux et déesses qui jouaient leur rôle. Maintenant je pars de leur caractère et je fais bien attention à ne pas mettre du trop colérique, puissant, serial-killer…
Avant, je manipulais énormément les petits dès la naissance, pensant qu’ils seraient plus proches de l’humain. Je constate avec l’expérience que ça ne fonctionne pas comme cela. Ce n’est pas parce qu’ils sont « de vrais petits chiens » dans leurs premiers jours qu’ils restent proches ensuite. Au fil des ans, j’ai compris la différence entre imprégnation et éducation. Je ne veux pas d’individus imprégnés de l’humain qui passent plus de temps avec notre espèce qu’avec la leur. Cela fait des adultes bancals et mélancoliques de ne pas être totalement intégrés à leur espèce. Dorénavant, je ne touche les petits qu’en cas de besoin ou lorsqu’ils viennent en interaction avec moi. Puis pendant quelques mois, ils reprennent leurs distances pour enfin revenir d’eux-mêmes vers moi, construits et prêts à créer volontairement un lien avec moi (ou non. Parfois certains caractères hyper peureux, ne veulent pas créer de lien.)
Passé les 15 premiers jours, tout est lancé, les habitudes sont prises et la surveillance se relâche pour moi, ils commencent à être suffisamment gros pour retourner avec le reste du troupeau, prendre leur place et bénéficier de l’éducation de tout le groupe. La mère peut se permettre d’aller manger en laissant le petit en « nounou » à d’autres.
Viendra prochainement la séance désagréable du bouclage obligatoire des oreilles, la stérilisation pour certains mâles, mais laissons-leur encore le temps d’apprécier leur jeunesse.
Et à moi, le temps de redescendre la pression de ces moments répétés pour chaque naissance sans compter celles qui ne se passent pas bien.